jeudi 10 décembre 2020

Calendrier de l'Hiver 2020 - partie II



petit tour d'horizon de ce qui aura ravi mon cœur en 2020


    Voici venue la seconde partie de mon (gros) retour sur l'année qui est sur le point de s'achever (entendez-vous le soupir de soulagement collectif ?). Heureusement, les livres sont toujours là pour nous faire voyager, nous émerveiller, étendre notre imagination et donner la clé permettant d'accéder à des possibilités infinies, que ce soit l'ouverture à de nouvelles passions ou bien nous permettre de vivre de grandes émotions, par le biais d'un tout petit ouvrage. Une magie qui aura sans doute aidé beaucoup d'entre nous à passer ces jours curieux dans de meilleures auspices. Je profite donc de ce moment pour vous présenter à nouveaux sept titres ayant allumé des petites étoiles dans mes mirettes. 


Jour 7 : HAPPY MANIA


manga de ANNO MOYOCO, publié aux éditions Pika et terminé en 8 volumes (commercialisation stoppée)

    A 24 ans, Shigeta n'a jamais réussi à se faire un "vrai" petit ami qui lui revient après un soir et elle s'en lamente sans cesse. Trouver le prince charmant est pour elle une véritable obsession. Elle virevolte et s'agite sans réaliser que Takahashi, son collègue au physique malheureusement peu attrayant, aurait pourtant toutes les qualités de celui qu'elle recherche si durement. 

    Vous pourrez chercher dans tout le catalogue français dans toute sa diversité, vous ne trouverez peut-être pas plus (génialement) cash que Moyoco Anno. J'adore cette autrice de tout mon cœur, aussi, je ne me suis pas beaucoup mouillée avec ma lecture de Happy Mania, joyeux bordel amoureux qui m'aura parfois presque fait larguer des larmes tellement j'ai ri ! Si le tout est un peu répétitif (Shigeta pense avoir trouvé l'Amour et les désillusions s'enchaînent comme des petits beurres à l'heure du goûter), cela ne m'a pas empêchée d'enchaîner les tomes sans crainte, l'autrice maîtrisant parfaitement son petit théâtre de marionnettes qui n'iront visiblement pas très loin dans leur recherche de bonheur, pour notre plus grand plaisir. 

    Je ne vais pas mâcher mes mots, Shigeta est un personnage parfaitement insupportable, la femme à laquelle on a peur de ressembler, mais je l'ai adorée. Son caractère impertinent et naïf m'aura provoqué bien des surprises et des régals. Un manga délibérément provocateur sur le sexe, la solitude et autres galères, mais surtout sur l'amour. 

Jour 8 : SOLANIN

manga de ASANO Inio, publié aux éditions Kana et terminé en 1 volume (19€90)

    Meiko et Naruo habitent un petit appartement dans lequel ils cohabitent avec leurs rêves périmés et leurs désillusions. Du jour au lendemain, Meiko va donner sa démission à son travail, sans trop de raison, et décide de se laisser du temps pour elle. Ce geste irréfléchi va donner l'envie à Naruo de reprendre en main ses vieux rêves. 

    Je pense que, comme certaines rencontres dans la vie, il existe un lien invisible et mystérieux entre une personne et un ouvrage; un lien permettant aux deux parties de se retrouver à un moment significatif, qui fait la différence. D'une façon presque mystique, Solanin est arrivé dans ma vie pile au bon moment et est devenu une lecture très chère à mon cœur; début de mon admiration sans borne, comme beaucoup de ses lecteurs d'ailleurs, pour le maître Inio Asano. Ce livre m'est arrivé entre les mains comme un délicieux réconfort. Après m'être posée les mêmes questions que Meiko sur le travail, ma vie actuelle et plein d'autres choses contraignantes, voir le personnage prendre son quotidien fermement dans ses mains, afin d'en faire quelque chose de ferme, personnel, de réel, a eu un effet quasiment cathartique sur moi-même. Solanin a assurément remué quelque chose en moi et étrangement, bien que le livre ne soit pas vraiment ce que l'on peut qualifier de joyeux, sa tonalité positive latente m'a fait du bien. Je me suis sentie très proche de Meiko dans plusieurs aspects de sa personnalité, ce qui a évidemment accentué mon affection pour le titre. 

    Avec une force brute qu'on lui cède bien volontiers, le mangaka s'empare de beaucoup de thèmes forts sur la vie en société, la difficulté de s'insérer à celle-ci alors qu'elle nous parait pourtant si hostile, le désir d'exprimer sa vraie nature dans un monde qui favorise les faux-semblants. Puis, surtout, il s'agit d'un manga sur les difficultés que l'on peut avoir à se laisser grandir. Parce que, au fond, qui sait à quoi devrait ressembler la "véritable" vie d'adulte ? A travers le couple très touchant que forment Meiko et Taneda (un personnage dont les réflexions sur une vie paisible m'ont beaucoup remuée), le lecteur s'interroge et rit aussi beaucoup. Personnellement, j'irais jusqu'à dire que j'ai vécu le livre, parce que j'y étais, je passais par tout ça. Les personnages secondaires apportent également leurs lots d'artifices au manga, l'auteur semblant ici signer son amour pour les vies "décalées" mais dans lesquelles tout le monde peut pourtant se reconnaître. Je suis très admirative de la façon dont le mangaka parvient à faire sonner ses notes si dures d'une façon que l'on perçoit pourtant plutôt positivement. Le manga m'a donné l'étrange envie de me dépasser. Un chef d'œuvre absolu, mêlant rêve et désillusion à la perfection. 


Jour 9 : SENGO 

manga de YAMADA Sansuke, 4 tomes publiés aux éditions Casterman (en cours - 9€95 l'unité)

    1945. C'est dans un Japon dévasté et occupé par l'armée américaine que se retrouvent par hasard le turbulant Kadomatsu et le désabusé Toku. Entre combines et misère, les deux ex-soldats tentent de survivre et de retrouver un semblant de vie. 

    Étant curieusement adepte des récits touchant de près ou de loin à la seconde guerre mondiale (ne me demandez pas pourquoi, il s'agit d'une affection pour cette époque que j'ai du mal à expliquer moi-même), je me voyais difficilement faire l'impasse sur le très bon Sengo, un titre encensé par de nombreux lecteurs et professionnels du milieu. Et effectivement, le manga de Sansuke Yamada est extrêmement bon, son amertume laissant un goût d'excellence en bouche. Le livre se divise de façon étrange entre un humour très bien fichu et des scènes qui se veulent, logiquement vu le contexte, très crues et difficiles à lire. Le mangaka conserve ce décalage avec un certain talent, le second tome en étant un exemple particulièrement choquant, à mon sens. Les deux hommes étant hantés par leur passé militaire, chacun de leur façon, on suit en même temps que leur parcours, celui de leurs fantômes. Les deux personnalités sont attachantes dans leur genre et offrent un panel de scènes plutôt mémorables.

    Un point que j'apprécie est la place que procure l'auteur à la femme de cette époque. Évidement, on retrouve ici des figures victimes de leur situation; forcées à avoir recours à la prostitution pour beaucoup; des histoires tristement vues et revues, mais qui procurent toujours beaucoup d'émotions, d'autant plus que l'auteur en fait de véritables guerrières au tempérament imposant le respect. Un manga qui dénote réellement du paysage actuel en France et qui séduira les amateurs de comédie au même titre que les amoureux de tragédie. 
    

Jour 10 : ARIA 

manga de AMANO Kozue, 5 tomes publiés aux éditions Ki-oon (en cours - 15€00 l'unité)


    Nous sommes au XIVe siècle, alors que la planète Mars est désormais habitable et abrite une magnifique cité conçue sur le modèle de Venise. C'est ici que Akari, d'origine terrestre, débarque afin d'apprendre le métier de ondine, celle qui navigue en gondole sur les fleuves de Neo-Venise et montre les richesses de la ville aux touristes venus du monde entier. Pour débuter son apprentissage, elle rejoint l'agence Aria, une société tenue par Alicia, qui n'est autre que l'ondine la plus talentueuse de la ville... 

    Quelle merveille qu'est Aria en ces temps troubles pour nous tous. Avec dextérité, curiosité et bienveillance, Kozue Amano en fait un manga qui est à mon sens sans aucun défaut, si ce n'est qu'il nous habite durant des jours (ce qui n'est pas un réel défaut, vous en conviendrez, c'est au contraire la marque des grands) de par l'émerveillement qu'il procure. Je connaissais déjà l'autrice par l'adorable Amanchu, une autre petite pépite qui devrait être lue de tous, mais je trouve que son talent est encore plus déployé avec ce titre-ci. Par le biais de son héroïne qui découvre, au même rythme que le lecteur, le renouveau de la planète Mars, nous sommes plongés avec émerveillement dans cet univers élégant, inspiré d'un Venise qui ferait naître des étoiles dans les yeux de plus d'un. J'admire réellement cette autrice pour son talent à nous faire apprécier les petites choses de la vie, celles que l'on vit tellement souvent que l'on néglige par la force du temps, mais qui regorgent pourtant de beauté. À chaque fois que je termine un tome de Aria, l'envie d'honorer et de vivre à leur juste valeur ces petits moments quotidiens, d'apparence insignifiants, mais pourtant si riches de beauté, me saisit. C'est peut-être idiot ou naïf, mais ce manga me donne envie, sans répit, de profiter de la vie et d'apprécier tout ce que la nature nous offre. 

    C'est avec tout autant d'élégance et d'une pincée de poésie que la mangaka dépeint le métier d'ondine, ainsi que le quotidien de nos petites héroïnes, qui brillent chacune par une personnalité bien distincte. Pour parler plus simplement, elles sont toutes adorables, attachantes et suivre leurs parcours et rêves est un délice qui se savoure au fil des pages de la très jolie édition qu'a conçu les éditions ki-oon. De plus, l'univers crée regorge de surprises qui laisse un délicieux arôme de fête flotter et qui vous enivrera jusqu'à vous laisser aux portes de Neo-Venise et ce, au rythme et merveilles cachées des saisons. À offrir et se faire offrir cette année par le vieux bonhomme en rouge, sans hésiter. 

Jour 11 : LA LANTERNE DE NYX

manga de TAKHAMA Kan, 5 tomes publiés aux éditions Glénat (en cours - 10€75 l'unité)

    1878, tandis que la France est à l'aube de l'exposition universelle, le Japon s'ouvre au reste du monde après sa fermeture de près de 200 ans. A Nagasaki s'entrechoquent ainsi des cultures et œuvres d'art si différentes de ce qu'elle connait que Miyo, orpheline ayant un étrange pouvoir de clairvoyance sur les objets qu'elle touche, en a la tête qui tourne. Employée dans une petite boutique d'import, elle découvre un univers qui la conduira à l'autre bout du monde... 

    Si les débuts m'avaient plu sans pour autant me convaincre totalement, je trouve que La lanterne de Nyx est de ces titres qui s'apprécient et prospèrent au fur et à mesure de leur progression et de l'attachement grandissant que l'on éprouve envers ses personnages. Bref, c'est un titre qui a su se bonifier (bien que, soyons honnête, il est très bon dès ses premières pages, j'avais peut-être de trop grandes attentes) avec le temps et est désormais devenue une lecture dont j'attends la suite et dénouement prochain avec impatience. En effet, le titre est riche aussi bien d'un point de vue scénaristique que culturel. L'autrice dépeint avec passion et énormément de connaissances le Japon de cette époque, enrichissant le livre d'annotations diverses et très éclairées sur des objets ou lieux clés de l'histoire, transformant la série en un véritable puits de culture, avec le tour de force de n'être ni assommant, ni trop complexe pour qui tout ça n'intéresse pas vraiment (ce qui, au vu du talent de Takahama, m'étonnerait beaucoup). Ainsi, l'héroïne voyage et emmène un lecteur à la curiosité grandissante dans sa valise.

    Mais Kan Takahama ne compte pas s'arrêter à un ouvrage instructif, elle compte bien ravir notre cœur en même temps, par le biais de protagonistes attachants oui, mais surtout avec un relief à faire pâlir les plus structures les plus réussies. Prenons l'exemple de Miyo, une héroïne somme toute ordinaire, peu de caractère. Au fil des pages, son "don" transforme notre vision du personnage, sa volonté de changer, qui échappe à sa compréhension peut-être, en fait une autre et fait compatir le lecteur. Si son patron, l'adorable Momo a aussi de bons arguments pour plaire, dernièrement, c'est la forte tête Judith et sa back-story très émouvante qui m'aura définitivement fait adopter le titre. D'un naturel très romantique, inutile de préciser que les histoires entremêlées de ces personnages complexes m'auront séduite. Une réussite sur bien des points. 

7 commentaires:

  1. L'art est une évasion baudelairienne, que tu retrouves magnifiquement dépeinte dans Les Fleurs du Mal. Il parle de tableaux, des charmes de la Hollande, mais nous on parle aussi de manga. Et ton blog en est une autre, tant ça fait du bien de te lire à nouveau.

    D'ailleurs pour ce jour 7, tu parles une nouvelle fois d'un titre que j'adore, écrit par une autrice que j'adore. J'aimerais tellement que Go Happy Mania soit publié en France, j'en rêve...

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  2. Solanin... Toujours aussi difficile pour moi d'en parler sans être submergé d'émotions... Heureusement, tu le fais très bien, bravo, j'ai ressenti également ce dont tu parles, le fait de l'avoir vécu, d'y être...

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  3. Pour ce jour 9, tu parles d'une de mes nouveautés préférées de l'année.

    J'ai énormément aimé Sengo dans sa manière de décrire le Japon au lendemain de la guerre sans concession. Il n'y a pas de héros, juste des hommes et des femmes qui essaient de vivre dans un monde qui ne ressemblent plus à ce qu'ils connaissaient. Et c'est pas toujours beau.

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    1. J'aime beaucoup la façon dont tu en parles, "pas de héros", c'est exactement le sentiment que cela me donne. Très bon titre effectivement, je me demande jusqu'où il ira !

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  4. Deux articles aujourd'hui pour le prix d'un. On est à 10 jours de Noël et c'est déjà la fête chez Manga Suki.

    Pour le jour 10 tu parles d'Aria, un manga qui m'accompagne depuis si longtemps, un voyage inachevé sur les eaux de Neo-Venezia que je peux enfin reprendre grâce à cette nouvelle édition. Pour réemployer ton expression, c'est ni idiot ni naïf, c'est la philosophie qui découle d'Aria : profiter de ce que l'on a sous les yeux, des instants présents. Le consigner dans un carnet, se les remémorer... Et sur des personnes aussi sensibles et ouvertes que nous, ça fonctionne. C'est une oeuvre qui paraît simple et justement, elle touche par sa simplicité, mais je pense qu'elle est plus complexe qu'elle ne le laisse entendre. Rien que le fait de créer l'émerveillement en faisant monter la tension avant de créer une explosion visuelle à base de doubles pages est quelque que chose qui peut paraître facile sauf que Kozue Amano le fait avec "rien" si ce n'est le quotidien, et l'explosion se fait sans bruit ni fracas, il ne reste que la contemplation d'un paysage, un moment de bien-être gravé dans le temps. Je trouve que c'est un manga sublime...

    Concernant le jour 11, tu abordes La lanterne de Nyx, un titre pour lequel je suis partagé... D'un côté, je trouve ça tellement triste que Kan Takahama devienne acclamée grâce à ce récit, un manga mainstream pour reprendre ses mots, dans lequel elle ne met pas grand chose d'elle, alors qu'avant de le débuter, elle s'est livrée corps et âme dans des titres très personnels. Elle s'est mise à nue comme peu de monde en parlant sexe, drogue, dépression... Et d'un autre côté, j'aime beaucoup La lanterne de Nyx, tout simplement.

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    1. J'adore comme tu écris sur Aria, vraiment un sublime manga oui ! Par contre je ne suis pas trop d'accord concernant ton opinion sur La lanterne de Nyx, je trouve qu'elle mets tellement de passion dans ce manga, on sent qu'elle aime réellement ce qu'elle écrit, qu'elle se fait plaisir ! Ceci dit, je ne me sens pas légitime pour parler de cette mangaka et de ce qu'elle ressent, étant donné que je suis loin d'avoir lu toute son œuvre. Mais heureuse que le titre remporte un peu de succès, il mérite !

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    2. Elle met moins de sentiments dedans, c'est assez flagrant, et elle le dit elle-même. Je posterai mon interview sous peu. En attendant, je te recommande de lire Sad Girl, tu comprendras sûrement l'immense différence qui existe entre un titre qu'elle écrit pour elle et un qu'elle écrit pour le public.

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